OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les vieux cons et les jeunes cons http://owni.fr/2012/06/18/les-vieux-cons-et-les-jeunes-cons/ http://owni.fr/2012/06/18/les-vieux-cons-et-les-jeunes-cons/#comments Mon, 18 Jun 2012 02:53:29 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=113708

Laurent Chemla et les macarons des internets - For the lulz - (cc) Ophelia Noor

Quatorze heures et des poussières, un homme d’une quarantaine d’années, corps lourd et fatigué entre sur la petite scène de Pas Sage en Seine, festival de hackers polissons organisé depuis jeudi à La Cantine à Paris. Brouhaha, ça papote en sirotant une bouteille de Club-Mate, la boisson préférée des hackers boostée à la caféine, ou un café digestif, voire les deux en même temps, il en faut après trois jours de festival et autant de nuits courtes.  L’intervenant commence à parler, pas très fort, immédiatement, des “chuts” s’élèvent. Notre homme, c’est Laurent Chemla, un nom qui inspire le respect aux petits cons qui peuplent la salle. C’est en “vieux con” qui a connu les Bulletin Board System ou Usenet que Laurent Chemla est venu s’exprimer. Parce qu’un peu de recul, ça peut servir parfois pour analyser la situation.

<petit point historique> À vingt ans et quelques – nous sommes alors au temps du Minitel – Laurent Chemla se fait attraper pour avoir eu l’audace de pirater le serveur de Café Grand-Mère et de s’y être créé une messagerie. Si tant est que l’on puisse pirater quelque chose qui est ouvert.

Hacker la vie (pour la changer)

Hacker la vie (pour la changer)

Pas Sage en Seine se poursuit. Samedi, plusieurs intervenants se sont attaqués à un domaine souvent laissé en jachère : ...

Le législateur, (déjà ?) bête comme choux, essaye en vain de le faire condamner pour “vol d’électricité”, car le piratage informatique est alors inconnu de la loi.

Laquelle se rattrapera dès 1988 avec la loi Godfrain. Et d’autres. Celui qui s’autoproclamera “voleur” co-créera Gandi en 1999 , le premier registrar (loueur de nom de domaine) français. Depuis ses premiers pas sur le réseau, Laurent Chemla défend une certaine vision de l’Internet : celle d’un endroit qui ne doit pas devenir le royaume des marchands du temple mais un outil citoyen. En 1995, il créé ainsi l’Association des Utilisateurs d’Internet (AUI), un peu l’ancêtre de la Quadrature du Net. </end>

Vieux con mais pas triste sire, Laurent Chemla a pris au pied de la lettre une blague que lui a lancée un organisateur : il enfile un tablier de cuisine et sort des boites de macarons IRL qui seront engloutis par le public à la fin. Et durant tout son talk, une vidéo expliquant la recette de la délicate sucrerie défile en guise de slides. Il en faut bien une note d’humour pour faire passer son constat général :

Les combats de 2002 sont encore les mêmes aujourd’hui, c’est un vrai problème.

Hack, code, lulz @Pas Sage en Seine - (cc) Ophelia Noor

Le bilan des progrès est maigre : la cryptographie a cessé d’être considérée comme une arme de guerre, tout le monde peut désormais l’utiliser. Hadopi a eu une utilité : suite à une décision du Conseil constitutionnel, l’accès à Internet est considéré comme un droit fondamental et il faut l’autorisation d’un juge pour le couper. Mais pour le reste :

Aucun combat n’a été gagné, aucun combat n’a été perdu.

Le constat est aussi déprimant que les déclarations de l’ancienne ministre de la Culture Christine Albanel en son temps : Facebook n’a-t-il pas réussi l’exploit de nous voler quatre fois, en attendant la prochaine ?

Heureusement, notre “anarcho-syndicaliste à tendance situationniste” a l’art de distiller des touches d’humour. Comme lorsqu’il envisage de rejoindre le Parti Pirate pour faire bouger les lignes (de code) :

Rejoindre les clowns du Parti Pirate ne serait pas une mauvaise idée, même si une partie de leurs propositions sont floues. Hackons la politique. Ce serait hacker les hackers.

Et qui sait : peut-être qu’avec le temps, son souhait que l’Internet soit considéré comme un service public pris en main par l’État se réalisera… En attendant, Laurent Chemla, pour qui “les générations qui ont suivi ont été étonnantes“, se dit ainsi “admiratif” du travail accompli par La Quadrature du Net notamment.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et au passage, en parlant de hacker les hackers, Jean-Baptiste Descroix-Vernier, le très controversé patron de Rentabiliweb, vice-président du Conseil national du numérique (CNN), un comité Théodule créé par Nicolas Sarkozy, s’est invité sur scène le temps d’une improvisation. Durant quelques minutes, il a répété à quel point il était une personne bien, qui a donné toute sa fortune pour des œuvres de charité. Pour mémoire, il avait voulu organiser une distribution de billets de banque sous la tour Eiffel pour faire parler d’une de ses filiales. Curieusement, son intervention hautement trollesque n’a pas suscité de réactions.

Du temps des dinosaures du web, des gus utopistes comme Chemla pensaient qu’on pourrait se passer des intermédiaires techniques, les tout-puissants fournisseurs d’accès (FAI) : une fois l’infrastructure posée, ne resterait-il pas qu’un peu de maintenance ? La suite a été un peu différente. Mais, mais, des petits Gaulois résistent, à leur échelle, en montant des FAI associatifs, réunis sous la bannière de la Fédération French Data Network (FFDN).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Meatspace

Le cyberespace, les grands principes de l’éthique hacker, c’est bien. Pour autant, les hackers ne délaissent pas le meatspace, celui du matériel, du corps, de la “viande”. Tout se hacke, on vous l’a dit. Lassé de votre tee-shirt collector Telecomix ? Essayer donc l’upcycling : derrière ce terme un peu bullshit bobo numérique, se cache une pratique bien sympathique : récupérer vos fonds de placard pour en faire des vêtements que vous porterez avec fierté.

Hack tes vêtements ! - (cc) Ophelia Noor

Vers la fin de la journée, une odeur de malt en train de fermenter a flotté dans La Cantine. Car outre le Club-Mate, il était aussi possible de boire de la free beer, de la bière libre, dans tous les sens du terme : sa recette est disponible et pas besoin de débourser pour vider une pinte. Pour être honnête, ce n’est pas celle qui a été brassée en direct qui a été servie : les hackers ont beau être dotés d’une habileté technique certaine, mère Nature ne se laisse pas bidouiller facilement. Bref, fabriquer de la bière est un processus lent, et c’est ainsi depuis la nuit des temps.

La bière locale... - cc Ophelia Noor

Photographies par Ophelia Noor pour Owni

Retrouvez les vidéos des conférences sur le site de la Cantine et le compte-rendu des trois autres journées : Pour un Internet polisson !, Juste fais le. et Hacker la vie (pour la changer)

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Hacker la vie (pour la changer) http://owni.fr/2012/06/17/hacker-la-vie-pour-la-changer/ http://owni.fr/2012/06/17/hacker-la-vie-pour-la-changer/#comments Sat, 16 Jun 2012 23:58:45 +0000 Ophelia Noor et Pierre Alonso http://owni.fr/?p=113679

La Cantine fait salle comble pour cette 3ème journée du festival hackers Pas Sage en Seine - (cc) Ophelia Noor

Elle était pleine à craquer La Cantine. Réactive, boute-en-train, concentrée selon les heures et les interventions. Du monde a défilé du matin au soir de la troisième journée de Pas Sage en Seine, festival de hackers et des internets polissons organisés depuis jeudi dans ce haut lieu parisien des cultures numériques. Sécurité, DIY, et aussi politique, un mot avec lequel les geeks sont souvent fâchés…

C’est en tout cas ce qu’affirme d’emblée Stéphane Bortzmeyer, ingénieur à l’Afnic (l’association en charge d’attribuer les noms de domaine en .fr) et dernièrement engagé dans l’équipe de campagne du Front de gauche :

Je vais parler de politique. La moitié d’entre vous va partir au bar boire des coups, je sais. Mais je vais vraiment parler de politique.

Et ruer dans les brancards : non, les responsables politiques ne sont pas des crétins ; non, le possible contournement technique de la loi ne l’invalide pas ; oui, la loi doit être la même pour tous quelques soient les compétences des uns et des autres ; non, la qualification technique ne suffit pas à faire de bonnes législations. Oui, Stéphane Bortzmeyer veut réhabiliter la politique, celle qu’il définit comme “ce qui concerne tous les choix fondamentaux de la vie de la cité”. Il a même une formule qui sonne comme un slogan : “Hacker la politique”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Décentralisation

Ce n’est pas le frétillant porte-parole de La Quadrature du Net, Jérémy Zimmermann, qui le contredirait sur ce point:

L’heure est grave. Nous sommes face à un choix entre deux sociétés : l’une repose sur l’interconnexion des technologies pour surveiller et punir ; l’autre sur la décentralisation, le partage, la diversité et l’ouverture.

Jérémie Zimmermann (La Quadrature du Net) pendant sa conférence "Citoyenneté en ligne dans un monde post-ACTA" Sur l'écran, Richard Stallman, programmateur, militant, fondateur de la licence GNU et président de la Free Software Foundation - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Autant dire qu’il ne penche pas pour la combinaison drones-biométrie-datamining-lois d’exception. Hacker la politique donc, en se mobilisant quand il le faut (contre Pipa, Sopa et Acta), tout en restant force de proposition, mantra de l’association de défense des libertés qu’il a cofondée, et abondamment défendue lors de son intervention.

Ouverture

Olivier Gendrin, artisan du Fab Lab récent ouvert à l’université de Cergy-Pontoise et baptisé Fac Lab, se reconnaîtrait sans doute dans la description d’une société fondée sur ces valeurs. Le Fac Lab, ce laboratoire où les outils – parfois de hautes technologies – et savoirs – parfois très pointus – sont mutualisés, a adopté sa sainte trinité : participer, documenter, partager. Tout en restant ouvert à tous :

Des juristes viennent, des ingénieurs et des physiciens aussi. Des professions qui ne se rencontrent pas sur le campus habituellement. Il y a des étudiants bien sûr, mais aussi des chômeurs, des mères de familles, des collégiens…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un enthousiasme pour le Do It Yourself que certains questionnent. Le nom de Serge Humpich est revenu à deux reprises dans la journée de samedi. Une première fois, parce qu’il a été condamné après avoir rendu publique une faille dans les distributeurs automatiques de billet. Le tout en bidouillant une carte à puce. C’était il y a 12 ans.

Hier, Serge Humpich portrait un regard critique sur l’open hardware (le matériel libre), non sans provoquer quelques remous dans l’assemblée, certains lui reprochant de calquer les schémas de l’industrie sur le DIY.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni
Interview de Serge Humpich préparée par Sabine Blanc, grande prêtresse du petit Minitel /-)

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Juste fais le. http://owni.fr/2012/06/16/pses-juste-fais-le/ http://owni.fr/2012/06/16/pses-juste-fais-le/#comments Sat, 16 Jun 2012 08:00:43 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=113638

Seconde journée du festival Pas Sage En Seine, l’évènement qui réunit hackers, geeks de tous poils et partisans de l’Internet polisson, du côté de la Cantine, à Paris. Après une journée en forme de rappel des fondamentaux, les intervenants sont entrés dans le dur. Ou plutôt, dans le faire.

Pour un Internet polisson !

Pour un Internet polisson !

Contre un Internet policé, choisissons l'Internet polisson ! C'est en gros le message de Pas sage en Seine, festival de ...

Car si l’intérêt d’un Internet libre et ouvert a été décliné sous toutes les formes au cours de la journée d’introduction, il s’agit de démontrer comment, concrètement, l’application des théories pouvait contribuer à créer de multiples projets. De l’inévitable encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia aux monnaies alternatives, en passant par de petits robots dirigés par des lignes de code.

La palme du do it yourself le plus ardu du jour revenant sans doute à l’atelier “reverse engeneering” : un cours interactif pour apprendre à dépecer un malware, ce genre de petit programme qui peut pourrir votre ordinateur de bien des manières, afin de le comprendre et, éventuellement, de l’anéantir. Une conférence d’utilité publique, à destination d’un auditoire averti, susceptible de décrypter (pardon, déchiffrer) des phrases telles que “voilà un snapshot de la machine” ou “on a des batchs qui tournent.”

La carte et le territoire

C’est Gaël Musquet, d’Open Street Map, qui a inauguré cette journée travaux pratiques. Afin d’indiquer aux enfants terribles de Pas sage en Seine comment participer au mieux à ce projet d’envergure internationale, qui ambitionne depuis 2004 “de créer une carte libre du monde.” Une initiative rendue possible par le pouvoir du Net :

Longtemps réservée aux élites, la cartographie s’est vulgarisée grâce à Internet. Google a révolutionné, il y a quelques années, avec ses logiciels, la possibilité de voir des photos aériennes de son quartier, de sa maison… Open Street Map et sa communauté permet de prolonger l’expérience de ces utilisateurs, qui ne sont plus des consommateurs, mais qui deviennent des producteurs.

Gael Musquet (Open Street Map) // Pas sage en Seine 2012 (avec Bluetouff en guest) from Owni on Vimeo.

Une appropriation du territoire par les cartes qui a visiblement séduit les trublions de Pas sage, qui n’ont tout de même pas manqué de demander si on pouvait “repérer les putes sur une carte”. En s’inquiétant au passage de voir Gaël Musquet porter une chemise : ”c’est la DCRI ?”

Okhin pendant la séance de questions à la fin de son intervention sur le MEATSPACE - (cc) Ophelia Noor

La DCRI, ou direction centrale du renseignement intérieure, qui a récemment pris langue avec un certain Okhin, membre de Telecomix et intervenant survolté autour des questions de meatspace, cyberspace et autres questions d’identité, d’intimité et de territorialité. Questions qui résonnent avec les pratiques des habitants d’Internet. Et qu’il développe ici pour nous :

Okhin (Telecomix) et le “meatspace” // Pas sage en Seine 2012 from Owni on Vimeo.

Fin de journée sous le signe du hack appliqué au journalisme. Premier volet, Kitetoa et Bluetouff de Reflets.info, ainsi que Jean-Marc Manach sont revenus en longueur sur la cybersurveillance et les fameuses barbouzeries d’Amesys en Libye. Second exemple, Alexandre Léchenet, du Monde.fr, a rejoint les trois intervenants précédents pour montrer les apports du hacking au journalisme. Illustration à l’appui avec l’enquête sur les dépassements d’honoraires des médecins en Ile-en-France. Alexandre Léchenet a aspiré la base de donnée Ameli. Le résultat est assez surprenant. Et ne nécessitait pas d’intrusion, ni talents de hacking hors du commun.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni


Retrouvez tous les jours :

- le live de Silicon Maniacs

- les vidéos des conférences sur le site de la Cantine

- merci à Maël des Maniacs pour le matériel /-)

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Pour un Internet polisson ! http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/ http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/#comments Fri, 15 Jun 2012 08:17:33 +0000 Guillaume Ledit, Andréa Fradin et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=113447

Ouverture de Pas Sage En Seine à La Cantine, passage des panoramas, Paris. (cc) Ophelia Noor

Charges anti-Apple, tee-shirts Telecomix, chiffrement de données et barbes en broussaille : pas de doute, nous sommes bien à Pas Sage en Seine. Trublion reflet du plus institutionnel Futur en Seine, le grand raout numérique organisé en parallèle par la Ville de Paris et la Région Ile-de-France, ce festival donne pendant quatre jours la parole à quiconque souhaite parler d’Internet. Mais de préférence en empruntant les itinéraires bis. Car ici, hors de question de suivre les autoroutes confortables tracées sur le réseau par les mastodontes Apple, Google ou Facebook. Ici, “des gens pas sages du tout rendent visibles, intelligibles et pédagogiques les activités numériques underground ou tout simplement libres.” Pour un résultat gonflé d’impertinence, qui bouscule les standards élaborés par les services que nous utilisons au quotidien sur Internet. Le tout pour notre petit confort. Mais bien souvent au détriment de nos libertés.

Lignes de fuite et bidouillabilité

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

Thomas Cadène est un auteur de bédé atypique. Passionné par Internet, il y a créé Les autres gens. Du modèle ...

Un constat qui s’impose avant tout sur le mobile.

”Avec les iPhone, il y a quelqu’un, en Californie, qui contrôle ce que vous avez le droit d’utiliser sur une machine que vous avez pourtant achetée” a alerté Tristan Nitot, évangéliste en chef de la fondation Mozilla en Europe, en ouverture de cette première journée du festival. Nos téléphones intelligents, iPhone, Blackberry et compagnie, nous verrouillent malgré nous dans un cocon aseptisé, où il est impossible de bouger un orteil sans aval préalable des firmes californiennes.

Sur l’AppStore, la plate-forme d’applications pour matériel Apple, pensée, conçue et validée de A à Z par la marque à la pomme, bon nombre de contenus sont ainsi persona non grata. Grand prude devant l’éternel, Steve Jobs a par exemple banni toute forme de nudité de ses joujoux du temps de son vivant. Exit le porn, tout comme des oeuvres de l’esprit autrement moins polémiques ; la BD collaborative française Les Autres Gens en fait par exemple les frais, au détriment de son rayonnement.

Mais le problème ne s’arrête pas à une histoire de fesses. Pour Tristan Nitot,

le téléphone mobile, comme le PC en son temps, c’est l’interface entre l’utilisateur et finalement, le reste du monde. C’est l’interface avec les amis, avec les informations et autres. Ce n’est donc pas neutre si quelqu’un contrôle absolument tout.

La solution ? Ouvrir le capot ! Adepte du sémillant concept de “bidouillabilité”, Tristan Nitot préconise de créer une interface mobile dont le code source serait complètement accessible aux utilisateurs. Taille, forme, couleurs (et bien plus encore) de tout objet affiché sur votre portable pourraient ainsi être modifiées, pour peu d’y consacrer du temps et de ne pas redouter de mettre les mains dans le cambouis. Un projet élevé au niveau industriel par Mozilla (pour le moment sous le nom de “Boot to Gecko”), qui ambitionne de proposer ces téléphones d’un nouveau genre dès le début de l’année prochaine. En partenariat avec l’opérateur Telefonica, ils ne devraient atterrir dans un premier temps que sur le marché brésilien. Mais Tristan Nitot n’exclut pas un futur débarquement européen qui suivrait cette même injonction : créez vos lignes de fuite

L’Internet polisson

T-shirt de geeeeek (cc) Ophelia Noor

Mot d’ordre en forme de fil rouge pour cette première journée de Pas Sage en Seine, où les sales gosses du Net n’ont pas manqué une occasion de troller les différents intervenants. Ou de moquer certaines figues du milieu, sans surprise absentes à l’événement. Orange, Free, Apple ou même Nadine Morano en ont ainsi pris pour leur grade.

Certains n’ont pas hésité à prendre eux-mêmes le micro pour aller défricher des pistes inexplorées. Ainsi, cette conférence de 15 à 16, intitulée “ Pourquoi les poulpes doivent inspirer Internet ?” [on en a fait une vidéo rien que pour vous]. Par amour de la contradiction, de l’humour potache et en estimant que quoiqu’il arrive, toute connaissance est bonne à prendre – pourvu qu’elle aboutisse à 42 [selon les références du milieu, 42 est la réponse au sens de la vie, NDLA].

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sur Internet, sortez couvert !

Mais s’ils ont la blague facile, les cyber-effrontés savent se tenir à carreau. Et passent sans problème d’une ambiance rigolarde à une atmosphère studieuse. Car si la navigation menace d’étouffer la liberté des internautes, elle peut tout aussi facilement mettre leur vie en péril. Savoir hacker n’est alors plus question de prudence, mais d’urgence.

Tunisie, Égypte, Syrie, Pas Sage en Seine est l’occasion de rappeler l’impérieuse nécessité de protéger ses activités sur le réseau, en particulier dans les régimes autoritaires. De ceux qui pratiquent la censure, et tentent de restreindre voire couper l’accès au réseau. Les révolutions arabes en ont fourni plusieurs tristes exemples.

Conférence "Internet c'est nous" avec l'intervention de blogueurs tunisiens - (cc) Ophelia Noor

Elles ont aussi montré à quel point les hackers peuvent être d’un précieux secours. Plusieurs agents ”Telecomix, ce groupement de hackers qui aide les activistes des pays concernés en rétablissant la connectivité ou en leur apprenant à communiquer de façon sécurisée, sont d’ailleurs intervenus au long de la journée. Leurs maîtres-mots ? Chiffrement, anonymisation, proxys, VPN, Tor, protection des données : autant de conseils et d’outils qui ont jalonné ce premier jour de Pas Sage en Seine.

Les témoignages de Tunisiens impliqués dans la chute du régime de Ben Ali ou de Syriens en pleine guerre civile renvoyaient à cette réalité bien sensible, que résume d’une phrase Kheops, de Telecomix :

On parle de cyberguerre, mais ça n’a rien de cyber, ça concerne des vies tout ce qu’il y a de plus réel.

Okhin et KheOps de Telecomix (cc) Ophelia Noor

Une réalité sur laquelle Internet agit, tant dans la possibilité pour les États ou les grandes firmes de traquer les activités de leurs citoyens et utilisateurs que dans les moyens de lutter et d’agir contre ces tentatives de censure. Auxquelles sont souvent confrontées les journalistes, cible privilégiée de cette pédagogie par l’exemple, promue au cours d’une intervention par Reporters Sans Frontières. L’ONG mutliplie en effet depuis un an les points de contacts avec “la communauté hacker”. Et a modifié son slogan en passant de “Pour la liberté de la presse” à “Pour la liberté d’information”.

Un slogan qui résonne avec les fondamentaux de l’éthique hacker, selon lesquels l’information devrait être libre et gratuite. Et l’accès aux ordinateurs illimité et total.

Benjamin Bayart, ministre des Internets

Benjamin Bayart pendant sa présentation. (cc) Ophelia Noor

Clou du spectacle et ultime hack de la journée, Benjamin Bayart, président du FAI associatif FDN, a envoûté l’auditoire avec sa conférence “Liste des courses pour les députés.”

Une sorte de BA B.A de la régulation du Net, décliné en trois points : protection de la neutralité, décapage du concept de propriété intellectuelle et encadrement des fichiers policiers. Un laïus qui peut sembler soporifique par le menu, mais qui a tenu la salle de La Cantine bondée (et hilare) jusqu’à près de minuit – explosant de deux heures le temps imparti. Netévangéliste alternant humour, métaphores et trolling de compétition, Benjamin Bayart mériterait donc un compte-rendu à lui tout seul !

Sur la neutralité des réseaux, l’ingénieur de formation a insisté sur la nécessité d’une “grande loi”, courte et claire. Raillant au passage la politique européenne en la matière, qui détermine assez largement les orientations françaises, qui “croit que la main invisible et divine du marché va tout arranger, faire pousser les cheveux et enlarge [grossir, NLDR] les pénis.” Et rappelant que préserver la neutralité du réseau n’est pas un truc de technicien :

Rien n’empêche aujourd’hui un FAI de filtrer un site. Quel qu’il soit. Si un FAI décide un jour de filtrer un site de presse en ligne, parce qu’il décide qu’il ne lui plait pas trop, rien ne l’en empêche. Rien.

Après avoir fait un tour d’horizon des étranges pratiques des opérateurs sur les services de téléphonie et de télévision fournis dans leur “box”, Benjamin Bayart a appelé à une révision de fond en comble du concept de propriété intellectuelle. Rappelant que lorsque l’on reproduit une œuvre, il ne s’agit pas d’un vol car l’auteur de l’œuvre visé peut toujours en disposer. Et faisant quelques clins d’œil à la Hadopi, qualifiée de “verrue infectée” et inefficace.

Pour finir, l’e-tribun a abordé la question du fichage et de la mise en place d’une identité numérique impulsée par l’État. Une volonté absurde selon lui, dans la mesure où l’individu est seul moteur de son identité, en ligne comme “IRL” ["In Real Life", selon le jargon des connectés, NDLA] . Solution : comme dans la vraie vie, il suffirait de pouvoir prouver son identité “par tous les moyens”. Par exemple, avec suffisamment de témoignages. Mais pas en fournissant un matricule écrit et validé par l’État. Qui sublimerait une bonne fois pour toute l’idée que Big Brother is watching you.

Du coup, à qui d’autres pouvait-on laisser le mot de la fin, qui s’adresse à vous tous, les internautes.

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Photographies par Ophelia Noor pour Owni


Retrouvez tous les jours :

- le live de Silicon Maniacs

- les vidéos des conférences sur le site de la Cantine

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Seedfucker: du craking citoyen http://owni.fr/2010/05/18/seedfucker-du-craking-citoyen/ http://owni.fr/2010/05/18/seedfucker-du-craking-citoyen/#comments Tue, 18 May 2010 09:51:00 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=15694 Parmi les nombreux ateliers organisés ans le cadre de Pas sages en Seine à la Cantine, The Seedfuckerz,  consacré comme son nom l’indique à Seedfuck. Là on entre carrément dans le cadre du cracking. Ce charmant petit outil open source, apparu en avril, embrouille encore un peu plus l’Hadopi. Cette nouvelle graine de discorde de la lutte anti-téléchargement inonde les réseaux peer-to-peer de fausses adresses IP, perturbant les serveurs d’écoute d’Hadopi. C’est ballot, d’autant plus que l’Hadopi semble impuissante face à lui : “J’ai beaucoup de mal à imaginer ce qu’elle pourra mettre en place techniquement pour contrer.”

Les amateurs chevronnés qui jouent à ce petit jeu commettent là un délit d’usurpation d’identité numérique, qui vient tout juste d’être créé dans le cadre de la Loppsi. Rassurez-vous, les deux intervenants, Kasey et fo0, n’ont pas risqué grand chose puisqu’ils ont piraté les ordinateurs en local et installé Seedfucker dessus en local. Même si, on s’en doute, faire la pub de ce système n’est pas pour leur déplaire : “C’est un plaisir même !”, s’exclame Kasey.

Vas-y Hacker Barbie, défonce HADOPI !!

Nos ordinateurs, si fragiles…

Mais le logiciel présente un contre-effet pervers : “il empêche aussi le téléchargement de bit torrents. L’utilisateur se connecte à des postes qui n’ont pas de bilans peer-to-peer qui tournent, du coup, il sera ralenti. Des recherches sont du coup en cours pour mettre au point un outil dérivé plus élaboré, qui se contenterait juste de brouiller les pistes”, explique Kasey. Sinon, cette arme pourrait réussir ce que la Hadopi rêve de faire, paralyser le téléchargement illégal.

Si le public était majoritairement composé d’initiés -essayez donc de proposer à votre mère d’assister à une telle séance-, son message s’adressait bien au plus grand nombre :

“Nous essayons de faire un événement plus large, pour diffuser un maximum de connaissances. Personnellement, je fais cette démarche dans le but que le public prenne conscience, au-delà de Seedfuck, que leurs PC sont vulnérables et qu’à partir du moment où on les a pénétrés, on peut vraiment leur faire beaucoup de mal. Dans ce sens, je préfèrerais qu’il y ait 100% de non-initiés”, conclut Kasey.

Illustrations CC Flickr par Joi et nic221

Retrouvez les vidéos des conférences et workshops de Pas Sage En Seine 2010

Compte-rendu de la conférence sur les hackerspaces

Compte-rendu de la conférence sur le hacking de la loi

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Espaces de Hackers http://owni.fr/2010/05/17/espaces-de-hackers/ http://owni.fr/2010/05/17/espaces-de-hackers/#comments Mon, 17 May 2010 18:34:38 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=15788 Organisée par Silicon Sentier à la Cantine, l’édition 2010 de Pas Sage En Seine proposait le week-end dernier un programme dense. Focus sur la conférence sur les Hacker Spaces.

Philippe Langlois, pour le /tmp/lab et Guyzmo, pour la Suite Logique ne sont pas des vilains hackers informatiques qui effraient nos concitoyens. Ils ont posément évoqué les origines et les principes des hackerspaces et présenté leurs projets passés, présents, et à venir…

Rangés des voitures, les hackers? Pas forcément. Dans l’indispensable Comment devenir un hacker?, Eric S. Raymond en donnait déjà une définition qui correspond à la lettre aux intervenants de cette conférence :

Les hackers résolvent des problèmes, ils construisent, et ils croient en la liberté et en l’assistance mutuelle bénévole.

“Un espace autonome où on fait de la technologie”

Un Hackerspace, c’est d’abord et avant tout un espace autonome où “on fait de la technologie”. L’accent est mis sur la pratique et le bidouillage. Il s’agit pour chacun de prendre en main sa liberté technologique de penser, et de la faire advenir dans des projets.

Très loin des projets des hackers “révolutionnaires”, l’idée est simplement de diffuser au mieux les idées et les valeurs du logiciel libre et des férus de technologie dans le vaste monde. Cela passe parfois par des prises de positions fortes et des “micro-combats”, comme celui mené contre HADOPI. Mais c’est bien la pratique qui guide les actes des membres de ces espaces.

Les intervenants refusent tous deux catégoriquement d’être assimilés à tel ou tel courant politique. Il s’agit avant tout d’une éthique, fondée sur la pratique du hack légal. On y fait état d’un esprit critique avancé, sans pour autant se poser comme parangons de morale. L’idée est de faire avancer la société par la pratique.

De vilains hackers réunis

Hacker Culture

Les références en terme de hackerspaces se situent du côté de nos voisins européens (C-base à Berlin ou le Metalab en Autriche). En France, la suspicion a longtemps été de mise. En effet, le premier club de hacker français, le Chaos Computer Club de France, avait été créé à la demande de la DST dans l’unique but de surveiller le balbutiant milieu des hackers français.

Pour autant, la “hacker culture” reste bien présente en France, et ses fondements peuvent se résumer comme le fait Philippe Langlois :

La culture du hack c’est de sortir du cadre, de penser en dehors des boîtes. Agréger des domaines différents et créer à partir de là.

La transformation se fait par petites touches incrémentales, dans le but d’aider les individus à s’émanciper des contraintes imposées par les technologies propriétaires. Il s’agit donc de gérer les alternatives, et d’innover en se laissant la liberté de “grenouillage”.

L’expérimentation et le plaisir sont au centre d’une pratique inspirée par le “Do It Yourself” de nos amis punks. Le principe est que tout est hackable, des caddies de supermarché au frigo de la voisine.

Puisqu'on vous le dit...

Les valeurs propres à l’open-source et aux logiciels libres irriguent également la pratique des hackers. Toutefois, il s’agit de rester vigilant, comme l’explique Philippe Langlois par rapport à la licence GPL. En effet, elle s’applique parfois à des logiciels libres utilisés par des gouvernements pour contrôler ou réprimer certains membres de la population comme les sans-papiers. Le /tmp/lab a donc créé une licence permettant d’introduire des exceptions à ces licences libres, comme celle visant à ne pas utiliser le logiciel à des fins immorales.

Organisation d’un Hackerspace

La première étape est de trouver un lieu. Pour le /tmp/lab, c’est Vitry sur Seine.

“Dans une zone industrielle, entre la pollution chimique de Sanofi et une situation sociale difficile : autant dire que l’on partait de 0″, admet Philippe Langlois.

L’idée de friche ne déplaît pas aux membres du lab, qui se sont regroupés sous la forme d’une association loi 1901, en décidant de ne salarier personne.

Du côté de La Suite Logique, l’encadrement est réduit au strict minimum. Les hackers se réunissent au sein d’un squat qui fermera ses portes d’ici à quelques semaines. Pour Guyzmo, même si il va falloir trouver un autre lieu,

“le plus important n’est pas l’endroit où on se retrouve, mais les projets qu’on y développe”.

L’autonomie reste au centre de toutes les préoccupations, les hackerspaces sont dans l’idéal autofinancés par le produit de quelques événements et les contributions de ses membres. Ces derniers ne sont pas soumis à une organisation hiérarchique mais s’impliquent en fonction des projets auxquels ils souhaitent contribuer.

Chaque projet est indépendant et dispose d’un budget propre, et s’il reste quelques euros, ils sont disponibles pour les membres originaux du projet afin qu’ils l’utilisent sur un projet de leur choix. Il en existe plusieurs, comme hackerspaces.org, dont l’objectif est de structurer les hackerspaces du monde entier afin d’organiser de gros événements et d’aider à la création d’autre espaces.

Le mouvement semble donc en marche. Reste à constituer un espace de référence à Paris intra muros, et à développer les espaces existants…

Illustrations CC Flickr par bre pettis, opacity, et Stian Eikeland

Pour compléter :

Un manifeste hacker, par Kenneth McKenzie Wark

L’Ethique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, de Pekka Himanen

Comment devenir un hacker ? d’Eric S. Raymond

Hackers et sans complexe, un reportage de Jean-Marc Manach lors du premier Hacker Space Festival

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http://owni.fr/2010/05/17/espaces-de-hackers/feed/ 8